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Nouveau POGO 40S4

Voici un Class40 qui devrait faire parler de lui. Parce que c’est un Pogo et que le premier Pogo 40 a pour ainsi dire lancé la classe. Mais aussi parce que c’est un plan Guillaume Verdier et que l’architecte ne dessine pas de mauvais bateau. Erwan Tymen qui est le patron du bureau d’études du chantier Structures veille de très près sur la naissance de ce nouveau bébé. Trois sont déjà commandés et le premier sera celui de Jean Galfione.

 

La nouvelle génération de Class40 se caractérise par des étraves particulièrement larges. On connaît déjà le plan David Raison de Ian Lipinski (qui a gagné la transat Jacques Vabre) et le Mach 4 dessiné par Sam Manuard (qui a gagné la Normandy Channel Race). Le plan Lombard destiné à Aurelien Ducroz (Crosscall) est lui aussi prometteur. Comme ces nouveaux Class40, le Pogo S4 sera un « gros nez » avec une étrave aussi large que la jauge le permet. Mais cela ne veut pas dire qu’il ressemblera à ses concurrents. Erwan Tymen, le directeur technique du chantier, a bien voulu nous présenter ce S4 sur lequel il s’est beaucoup investi.

Quand est prévue la mise à l’eau de ce nouveau bateau ?

Erwan Tymen : Nous finissons actuellement les outillages, ce qui veut dire que le moule de pont est bien avancé, le moule de coque lui est déjà prêt. Nous avons prévu de sortir le bateau au mois de mars mais nous ne sommes pas en avance, nous allons essayer de libérer des ressources pour tenir le calendrier.

Pogo 40S4/ Structures

Pogo 40S4/ Structures

Il s’appelle S4 parce que c’est la quatrième génération de Pogo 40 ?

E. T. : Le premier Pogo 40 avait été le premier bateau de série dessiné en fonction de la jauge Class40 mais le Pogo 40 S1 est arrivé un peu après. Il sortait du même moule mais il était construit en sandwich alors que le Pogo 40 était construit avec une sorte de feutre (Soric). Ensuite il y a eu le S2 et S3, toujours dessinés par Finot-Conq. Ce S4 est notre quatrième génération de Class40 construit en sandwich.

Ce bateau ressemble aux derniers plans Raison et Manuard, avec une étrave extra-large ?

E. T. : Oui, l’étrave est très large et on cherche aussi à « remplir la boîte » au maximum mais depuis les deux bateaux cités, la jauge a un peu évolué et la largeur maximale est maintenant à 4 mètres de l’étrave. Mais le Pogo S4 n’est pas allé au maximum de la largeur puisque son maître bau est de 4,42 mètres et pas 4,50 mètres.

Moins de largeur, cela veut dire moins de puissance ?

E. T. : L’optique du dessin, c’est d’être performant sur la Route du Rhum, avec beaucoup de portant VMG et à ces allures-là (proches du vent arrière, ndlr), la surface mouillée est très importante. Nous avons donc cherché à obtenir une carène avec un minimum de surface mouillée mais qui garde de bonnes performances au reaching. Nous nous sommes attachés à diminuer la traînée pour garder un bon rapport entre le RM (moment de redressement) et la traînée. L’idée, c’est trouver le bon compromis, soit on augmente la puissance, soit on diminue la traînée. On aurait pu être plus puissant mais nous avons fait le choix de diminuer la traînée.

Il y a de grands élancements à l’avant, vous ne perdez pas trop de longueur à la flottaison ?

E. T. : Si l’étrave est haute, c’est pour éviter la traînée car elle est très large. On lève l’étrave pour étaler la traînée, quitte à perdre en longueur à la flottaison. Ce sont des bateaux très spécifiques à dessiner, très spéciaux, au niveau des proportions. Nous avons fait beaucoup, beaucoup de CFD (bassin de carène virtuel), nous avons vite vu que c’était facile de faire un scow bon au reaching mais beaucoup plus difficile de le rendre polyvalent. Nous avons passé plus de 20 carènes en CFD, ce qui veut dire que l’on en a dessiné encore davantage.

La liaison coque pont est marquée par un pan coupé mais celui-ci disparaît au niveau du cockpit, pourquoi ?

E. T. : Le pan coupé est intéressant pour les mesures de stabilité et permet de réduire aussi un peu la surface développée de la coque mais sur l’arrière on veut garder une largeur maximum pour les points de tire des grandes voiles d’avant et pour le rail d’écoute de grand-voile.

Pogo 40S4/ Structures

Il n’y a pas de bouge de pont ?

E. T. : Sur l’arrière il n’y a pas de bouge mais nous avons mis du bouge devant, il n’est pas dans l’eau lors du test de stabilité mais nous avions besoin de volume sur le pont car la jauge en réclame davantage que sur la génération précédente.

On voit une sorte de boîte en pied de mât, c’est pour le renvoi des drisses ?

E. T. : Oui, depuis le pied de mât, les manœuvres reviennent vers les winches de cockpit au travers de deux goulottes car Jean Galfione voulait un cockpit avec quatre winches. Nous proposons aussi une seule goulotte avec un gros winch central, parce que c’est compliqué d’imposer l’une ou l’autre des configurations, chaque coureur a ses préférences.

Le rouf à pan coupé rappelle un peu celui du Pogo 36 et du nouveau 44, c’est une volonté de faire gamme ?

E. T. : Non, ce n’est pas ce que nous avons recherché. Cette forme permet de bien protéger le cockpit et de garder une vision vers l’avant depuis les postes de veille. Nous avons aussi installé des jours en plexi sur le dessus du rouf pour voir les voiles en restant abrité. Par ailleurs nous avons dessiné un rouf assez plat dans sa longueur et dans sa largeur pour descendre la bôme au maximum, ce qui a deux intérêts, créer un effet de plaque (l’air ne passe pas sous la bôme, ndlr) et élancer la grand-voile.

Est-ce que vous pensez être allé au maximum de ce que la jauge autorise ?

E. T. : Entre la génération précédente et celle-ci, on n’est pas passé d’un extrême à l’autre mais le delta est important. Si on regarde les résultats des dernières courses, ça a l’air de marcher mais il y a encore beaucoup de jeu possible. On peut imaginer un bateau intermédiaire, avec une étrave « pointue » mais spatulée. Sur une Route du Rhum, ça peut être une belle arme. Nous ne sommes pas au maximum de la largeur, ça peut marcher en étant moins puissant. Il y a encore pas mal de voies à explorer. Les plans qui vont arriver seront volumineux mais il reste pas mal de différences sur les carènes, les placements…

Pogo 40S4/ Structures

Justement, en termes de carène, est-ce qu’on retrouve les inflexions présentes sur le Pogo 3 ou sur le Sun Fast 3300 ?

E. T. : Oui, on retrouve une inflexion dans la carène, en tout cas à l’arrière. Nous allons pouvoir vérifier la différence entre la théorie et la pratique. Là nous nous sommes beaucoup appuyés sur le travail de CFD pour faire nos choix. Nous avions accès aux outils de VPP de Guillaume Verdier qui sont une source d’information exceptionnelle. Mais il faut savoir où on veut aller et choisir le bon compromis. On sait ce qu’on perd au près et ce qu’on gagne au portant. On garde nos performances au reaching. Nous avons fait des heures et des heures de calcul en CFD, nous avons passé au moins cinq mois sur la carène et le travail sur le bateau est loin d’être terminé. On continue à réfléchir.

C’est très différent de construire un Class 40 par rapport à un Pogo 36 ?

E. T. : Nous avons des équipes qui sont habituées à faire des bateaux pointus. Nous avons le Pogo Foiler qui est construit comme un proto et les Pogo 50 qui sont aussi dans cet esprit car nous voulons rester très souples. Et les Pogo 3 sont aussi construits très soigneusement, on a des équipes spécialisées course. Pour la coque d’un Class40 on utilise les mêmes matériaux et la même mise en place dans les moules. Nous avons des machines de découpe numérique qui facilitent l’ajustement des mousses qui forment l’âme du sandwich. Avec nos équipes dédiées, on arrive à optimiser pas mal notre production.

Source: @Voiles et voiliers