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Emirates Team New Zealand veut battre le record du monde de vitesse à la voile… sur terre !

Après vingt bateaux construits en trente années d’existence, Emirates Team New Zealand s’est lancé un drôle de défi : battre le record du monde de vitesse à la voile, mais sur terre. Entre deux campagnes pour défendre l’America’s Cup, cela pourrait sembler un projet presque simple. En réalité, le défi est loin d’être anodin.

La difficulté de l’entreprise est évidente lorsque l’on se penche sur l’histoire de ce record particulier. Depuis 1976, il n’a été amélioré que trois fois. Le Français Bertrand Lambert l’améliore de 10 km/h avec ses 152.7 Km/h établis en 1992. Bob Schumacher le détrônera en 1999 (175.5 km/h), mais c’est le Britannique Richard Jenkins qui détient le record avec 202.9 km/h établis sur Greenbird à sa cinquième tentative. L’avisé patron de l’équipe kiwi, Grant Dalton, a trouvé là un moyen ludique de maintenir ses troupes sous pression, entre deux campagnes pour le pichet d’argent, de la conception à la production. Mais le futur pilote, l’excellent marin Glenn Ashby, rassure tout de suite : « L’objectif reste toujours de gagner l’America’s Cup, mais ça fera une jolie histoire à raconter à nos petits enfants ». Il faut dire que l’Australien est né à 150 km de la mer, au Nord de Melbourne dans l’état de Victoria et il se rappelle très bien avoir bricolé des chars à voile dans son adolescence, rêvant toujours d’être le plus rapide. Pour réaliser ce rêve, une somme d’intelligence peut-être jamais réunie autour d’un tel projet avec, entre autres, les Français Guillaume Verdier et Romaric Neyhousser au sein du Design Team.

200 km/h à la seule force du vent

L’ambition d’améliorer la vitesse de référence de 20% passe par une sorte de grand char à voile asymétrique à aile rigide, un engin proche du tenant du titre. Il revient à Tim Meldrum, l’ingénieur mécanique de l’équipe, de faire passer toute la puissance dans des roues plutôt que dans des foils. À lui également d’assurer la sécurité du pilote, allongé dans une cellule de vie conçue pour littéralement lui sauver la vie, en cas de crash à près de 200 km/h. Glenn Ashby en est convaincu, « c’est l’engin le plus sûr qu’il aura jamais barré de sa vie, et de loin ! ». À sa disposition pour maîtriser cette machine de 10 m de haut, 14 m de long, 7 m de large et pesant 2,5 tonnes, un simple volant pour la direction et un pédalier pour les réglages. Il y a beaucoup de similitudes avec un voilier de course en termes d’aérodynamique et de forces structurelles, de méthodes de construction, de matériaux… Mais l’objectif de vitesse sur terre est plus de deux fois supérieur à celles atteinte sur l’eau, ce qui complexifie le sujet, mais pourrait aussi apporter des idées pour rendre leur futur AC75 aille plus rapide.

Des pneus à la place des foils

Avec son aile rigide de 10 mètres de haut, les similitudes ne manquent pas avec les bateaux auxquels les marins sont habitués. Mais l’interface change, et la problématique majeure est que les pneus gardent en permanence le contact avec le sol, comme les foils avec l’eau, tout en offrant le moins de résistance possible. Or, par apport à un véhicule moteur, l’effort ici est plus vertical car la puissance vient de l’aile située au-dessus. Elle créée également plus de charge latérale, notamment sur l’arrière qui sera équipée de deux roues pour gagner en adhérence, même si elles sont alignées pour ne pas perturber l’aérodynamisme de l’ensemble. Selon les conditions, l’engin pourra être lesté, ce qui certes ralentira son accélération, mais théoriquement pas sa vitesse de pointe, sur le tracé de 8km de long visé. Comme les deux précédents records, c’est un lac salé asséché, qui a été choisi pour cette tentative. Fairdner n’est cependant pas dans le Nevada, mais en Australie cette fois, pour d’évidentes raisons de proximité.

Rendez-vous dans le désert en juillet

C’est à la fois un projet fun et très sérieux auquel toute l‘équipe participe, tout en préparant activement la prochaine édition de la Coupe à Barcelone en 2024. Le timing de ce programme, auquel Grant Dalton n’a donné son feu vert qu’en juillet 2021, est serré. La construction du moule a débuté en novembre de la même année, et la production de l’engin dès février 2022. L’objectif reste d’être sur site en Australie, la deuxième semaine de juillet. Est-ce qu’ils y rencontreront les conditions du record de 2009, soit 30 à 35 nœuds de vent, rafales à 40 nœuds, ou misent-ils sur des conditions plus légères entre 20 et 25 nœuds ? Dans ce cas, il leur faudrait aller cinq fois plus vite que le vent pour battre le record ! « In Crazy We Believe* » est la devise d’Emirates Team New Zealand. Elle a rarement été aussi à propos.

Source @Figaro Nautisme