Kito de Pavant revient en IMOCA sur la Transat Jacques Vabre à bord d’un VPLP/Verdier

Malchanceux lors des deux derniers Vendée Globe, Kito de Pavant relance une campagne pour boucler la course de ses rêves. D’ici-là, il fera un premier retour attendu en IMOCA à l’occasion de la Transat Jacques Vabre, dont le départ sera donné au Havre le 25 octobre. Associé à Yann Régniau, le Sudiste s’élancera à bord de Bastide Otio, un plan VPLP-Verdier de 2010 avec lequel Jean-Pierre Dick a notamment terminé 4e du dernier tour du monde en solo. Entretien.

Alors Kito, heureux de reprendre du service en IMOCA ?
Kito de Pavant : « Oui, très heureux ! Après mon nouvel abandon prématuré dans le dernier Vendée Globe, j’ai eu besoin de prendre du recul. Honnêtement, à la base, je ne voulais pas faire un troisième Vendée Globe à tout prix. Cette course n’a vraiment pas été tendre avec moi, et ça laisse des traces.D’autres challenges m’attiraient et j’ai pris beaucoup de plaisir à multiplier les supports. Figaro, Multi50, Class40, Tour de France à la Voile en Diam 24… Toutes ces expériences ont été bénéfiques. Suite à ma participation à la Route du Rhum en Class40 (3e place), une belle opportunité s’est présentée puisque mes partenaires ont été convaincus de l’intérêt du Vendée Globe. Je croyais pouvoir me passer d’une troisième participation mais je me leurrais… En réactivant la machine, je m’aperçois que j’ai très envie de retourner sur cette épreuve que j’affectionne particulièrement. Je ressens beaucoup de frustration et j’ai une histoire à poursuivre. Ce troisième Vendée Globe doit être le bon, je veux arriver aux Sables d’Olonne en janvier 2017 avec le sentiment du travail bien fait. Le projet est chronophage, la somme de travail est considérable, mais j’adore ça ! »

 

Ton nouveau bateau est l’ex Virbac-Paprec 3 de Jean-Pierre Dick, vainqueur de la Transat Jacques Vabre et de la Barcelona World Race en 2011, puis 4e du dernier Vendée Globe. Une belle machine…
K.d.P. : « Bastide Otio est en effet un bateau fiable et performant, le n°3 dans la lignée des plans VPLP-Verdier après Safran et Groupe Bel, mon ancien IMOCA. Il appartient donc à une très belle famille. Mais en récupérant ce 60 pieds à Lorient le 1er août, je me suis rendu compte que son état général n’était pas excellent. Sous les couleurs d’Hugo Boss, le bateau a démâté lors de la dernière Barcelona World Race. Nous avons participé à la réflexion pour la construction du nouveau gréement qui semble satisfaisant. Pour le reste, la somme de travail à réaliser d’ici à la Transat Jacques Vabre est importante. Le convoyage entre Lorient et Port-Camargue, le port d’attache de mon IMOCA, a permis d’étoffer la job list. Nous ne sommes pas en avance… mais on avance ! Nous partirons en convoyage vers Le Havre début octobre. Cette remontée va permettre de valider le travail accompli et de repérer les rectifications de dernière minute qui pourront être faites juste avant le départ de la Jacques Vabre. Nous prévoyons aussi un gros chantier d’optimisation l’hiver prochain. Bastide Otio a énormément de potentiel, on peut le rendre très performant et porter un projet ambitieux sur le Vendée Globe. Mais aujourd’hui je fais plutôt profil bas car le budget n’est pas tout à fait clôturé. »

« Je regrette un peu Groupe Bel… »

Tu le disais, Bastide Otio est en quelque sorte une évolution de Groupe Bel, le bateau avec lequel tu as pris le départ des deux derniers Vendée Globe. Retrouves-tu des similitudes entre ces deux 60 pieds ?
K.d.P. : « Oui, notamment au niveau de la forme de la carène. Les plans VPLP-Verdier sont légers, polyvalents et rapides à toutes les allures. En revanche, les systèmes de barre sont très différents : Groupe Bel était sensible, réactif et agréable à barrer. Ce n’est pas le cas de Bastide Otio qui est plutôt dur à la barre. Il faudra modifier cela l’hiver prochain… »

Suis-tu avec attention ton ancien bateau, devenu Le Souffle du Nord de Thomas Ruyant ?
K.d.P. : « Bien sûr. Je suis heureux que mon ancien 60 pieds soit entre les mains de Thomas Ruyant. Il va faire évoluer cet excellent bateau et pourra réaliser un beau Vendée Globe à son bord. Je regrette un peu Groupe Bel, j’aurais préféré le garder. Il était vraiment abouti et optimisé à ma main. Mais je vais m’habituer à ma nouvelle monture qui a d’autres qualités. Nous sommes encore dans une phase de découverte. On s’apprivoise mutuellement. »

A un an du Vendée Globe, la Transat Jacques Vabre servira de test grandeur nature. Avec quelles ambitions partiras-tu avec ton équipier Yann Régniau ?
K.d.P. : « Je ne me fixe pas d’objectif au classement, mon but est de continuer à prendre en main le bateau, de valider les évolutions effectuées et d’affiner les optimisations à prévoir. Ce sera ma huitième Transat Jacques Vabre d’affilée (5 participations en IMOCA, deux en multicoque, NDR). Le plateau n’a jamais été aussi dense et relevé avec une vingtaine d’IMOCA au départ. Le match entre les bateaux de nouvelle génération et les anciens optimisés s’annonce passionnant. Comme en 2011, je partirai avec Yann Régniau, concepteur-dessinateur de la voilerie North Sails France. Les voiles font partie des évolutions prévues pour le Vendée Globe, c’est pourquoi partir avec l’un des meilleurs spécialistes de ce dossier sera très bénéfique. »

« Mon bateau n’aura pas de foils pour le Vendée Globe. »

Ton projet est basé à Port-Camargue, dans le Sud de la France. Tu ne te sens pas seul en Méditerranée ?
K.d.P. :
« Si, un peu ! Mais c’était déjà le cas à l’époque de Groupel Bel et je suis dans la continuité. Pour l’instant, ça se passe beaucoup en Bretagne et nous sommes un peu les parents pauvres de la course au large. Avec mon projet, je souhaite booster la discipline en Méditerranée, servir de tremplin à des jeunes qui ont des envies de Figaro, voire de Vendée Globe. »

N’est-il pas gênant d’être excentré, de ne pas profiter de l’émulation des autres concurrents ?
K.d.P. :
« Il me manque des sparring partners, c’est certain. Mais mes concurrents peuvent venir en Méditerranée quand ils veulent, ils sont les bienvenus (rires) ! Nous aurons de toute façon l’occasion de nous confronter prochainement sur la Jacques Vabre. Et nous avons d’autres atouts en Méditerranée, à commencer par de bonnes conditions de navigation. Et être basé ici nous oblige à faire plus de milles. Par exemple, il faut compter 2000 milles et une dizaine de jours pour rallier Le Havre. Ces longs convoyages sont très bénéfiques. »

Il faudra faire un choix à l’issus de la Transat Jacques Vabre : installer des foils ou pas. Quelle est ta position pour le moment ?
K.d.P. :
« Je ne suis pas emballé. Le gros inconvénient des foils, c’est qu’ils engendrent des bateaux absolument pas polyvalents. Il y a des gros gains à certaines allures (au reaching dans la brise) mais des pertes importantes à d’autres (au près dans le petit temps). Les bateaux de dernière génération sont trop dépendants des conditions météo. Ceci dit, nous n’en sommes qu’au début et les foils vont sûrement évoluer dans le bon sens. Mais les teams et les architectes risquent de manquer de temps. En tout cas, cela permet aux anciens bateaux de rester dans le coup, tant mieux pour nous ! Mon 60 pieds n’aura pas de foils pour le prochain Vendée Globe. Peut-être que nous en installerons après, si le concept a fait ses preuves… »

Propos recueillis par Olivier Bourbon / agence Mer & Média