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Bâtir un projet idéal : un équilibre subtil

A moins de trois ans du prochain Vendée Globe, les marins intéressés s’activent. Le temps file, et même ceux qui ont l’assurance d’en être s’interrogent sur des questions essentielles : pour quel coût, avec quels partenaires, quelle équipe et bien sûr quel bateau ?

©Vendée-Globe

« Le projet idéal, c’est celui où les humains engagés dans cette grande aventure qu’est le Vendée Globe se sentent bien, où un vrai partage existe avec les partenaires et, bien sûr, le public ». Sophie Vercelletto, co-gérante avec Roland Jourdain de Kaïros, ne parle ni de bateau ni de technologie. Sa société a acheté le bateau ex-Safran, un des tout derniers-nés de 2015, et le fait naviguer sous le nom « Des voiles et Vous », astucieux jeux de mots pour dire combien il est urgent… de laisser le temps faire bien les choses.

« C’est un bateau à maturité, il sera dans la force de l’âge », prédit-elle. Car construire, corriger, valider et fiabiliser pour se sentir bien avec un nouvel Imoca exige du temps. Jérémie Beyou (3e de la dernière édition) est l’un des deux skippers connus à ce jour, avec le Britannique Alex Thomson, à se lancer dans une telle entreprise. « Notre timing est quasi-parfait, je crois ! La construction d’un bateau est de peu ou prou un an, voire un an et demi. Et les projets gagnants neufs seront ceux qui courront au mieux la Route du Rhum 2018 et, a minima, la Transat Jacques-Vabre 2019. Une chose est sûre, mettre le bateau à l’eau l’année du prochain Vendée Globe est extrêmement court.»

Etre copié ou ne pas l’être

Le Banque-Populaire VIII d’Armel Le Cléac’h, vainqueur du dernier tour du monde, n’avait pas eu tout ce temps de maturation. Mis à l’eau à l’été 2015, le plan VPLP-Verdier avait certes fini deuxième de la Transat Jacques-Vabre quelques mois plus tard, mais avait connu des mésaventures. Surtout il était l’un des tout premiers Imoca parés de foils, l’innovation technologique majeure de la dernière édition. Leur utilisation en restait alors la grande inconnue. Depuis, l’expérience est passée par là, la science se chargeant du reste.

« Nous travaillons notamment sur les foils mais aussi sur l’équilibre général du bateau. Notre Imoca sera différent de ceux qui existaient préalablement », souligne Jérémie Beyou. Car si quelque trois ans paraissent longs pour penser l’évolution sur un tour du monde, c’est dans le cas où tout se déroule sans anicroche. Si le prototype casse, le temps passé à réparer ou à reconstruire peut engouffrer l’expertise sur l’eau et les finances dédiées à l’origine à l’évolution de l’Imoca. « C’est pourquoi l’on a choisi d’être les premiers à l’œuvre, quitte à être copiés. On devrait toujours avoir un temps d’avance », reconnaît Jérémie Beyou.

2018, année hypnotique

Actuellement engagé sur la Volvo Ocean Race, le temps de l’éclosion de son nouvel Imoca, le skipper de Charal reconnaît : « Nous sommes entrés dans une autre dimension. De huit personnes, nous sommes passés à treize travaillant sur le projet, dont notre bureau d’étudesEt si l’on veut gagner le Vendée Globe, il nous faut regarder ce qu’a réalisé le vainqueur de la dernière édition, son programme, et nous en inspirer. Mais je ne suis pas Armel (Le Cléac’h) et notre partenaire est différent. » Autant dire que les budgets ne sauraient être de la même importance. Celui de Jérémie Beyou se chiffrerait bien en dessous des 5,5 millions d’euros par an, enveloppe annoncée pour l’ensemble des partenariats voile par Chantal Petrachi, la directrice de la communication de Banque Populaire. Ce qui resterait une donnée haute dans la galaxie du Vendée Globe.

Et les autres ? Des skippers désireux d’en être, ils sont nombreux ! A formuler le doux rêve de concevoir, ou du moins à s’imaginer sur ces engins d’un autre monde. « Savez-vous ce que signifie Kaïros en grec ? C’est le temps qualificatif, le temps favorable, celui de l’occasion opportune. Pour nous, le temps de l’humain et le temps de la performance. Ce serait 2018, l’année où tout se passe », souligne Sophie Vercelletto, dont la société couve le skipper Morgan Lagravière qui, après sa 3e place avec Eric Péron sur la Transat Jacques-Vabre, entend bien poursuivre sur sa lancée, et notamment sur la Route du Rhum. « 2018, c’est l’année où les liens se nouent, se calent, dans l’équipe du skipper et avec les nouveaux partenaires. J’encourage les partenaires à venir vite nous rejoindre, c’est maintenant que tout se joue ! », s’exclame-t-elle. « Car en 2019, il faudra naviguer, naviguer et naviguer. Le Vendée Globe, c’est déjà demain. »